Le grand baobab du village de Djamalé abritait depuis des générations sous l’arbre à palabres, les jugements et les récits des anciens. Son tronc creusé par le temps servait de refuge aux esprits du passé, disait-on.
Ce soir-là, alors que le soleil déclinait derrière les collines, le doyen Togbui Koffi leva sa canne et demanda le silence.
— « Ce soir, je vais vous raconter une histoire que même le vent n’a pas osé emporter. »
Un frisson parcourut l’assemblée. Les jeunes s’approchèrent, les femmes arrêtèrent de tresser, et même les oiseaux semblèrent suspendre leur chant.
Le collier d’ébène
Il y a bien longtemps, le village vivait dans la prospérité grâce à un objet sacré : un collier d’ébène incrusté d’or, symbole de l’unité et de la protection des ancêtres. On disait que tant qu’il resterait dans le village, aucune famine, aucune guerre ne viendrait troubler la paix de Djamalé.
Mais un jour, au cœur de la nuit, le collier disparut.
Le lendemain, le chef du village rassembla tout le monde sous le baobab. Qui avait osé voler l’âme du village ? Les soupçons se portèrent rapidement sur Béna, un jeune homme sans famille, souvent vu rôdant près de la case du chef.
— « Je n’ai rien pris ! » protesta Béna, mais personne ne le crut.
Condamné à l’exil, il quitta Djamalé, jurant de prouver son innocence.
Les années d’errance
Pendant cinq ans, Béna parcourut le pays, vivant de petits métiers, toujours hanté par le souvenir du collier perdu. Un jour, alors qu’il aidait un marchand à transporter ses marchandises, il reconnut un symbole gravé sur un pendentif en vente sur un marché lointain… Le même que celui du collier sacré !
Son cœur battait à tout rompre. Il suivit discrètement le vendeur jusqu’à une grande maison en pierre où se trouvaient d’autres objets volés. Parmi eux, il vit… le collier d’ébène.
Mais le propriétaire des lieux était redoutable : Oumar le Silencieux, un ancien mercenaire devenu contrebandier. Béna savait qu’il ne pouvait pas le défier seul.
Le retour du héros
Usant de ruse, Béna attendit la nuit. Il infiltra la maison, récupéra le collier et s’enfuit. À l’aube, il était déjà sur la route de Djamalé, décidé à laver son honneur.
Lorsqu’il arriva au village, le doyen Togbui Koffi, devenu faible avec l’âge, était assis sous le baobab. En voyant Béna avec le collier, les anciens tombèrent en silence.
— « Je vous avais dit que je n’étais pas coupable. »
Le silence se brisa en acclamations. Le véritable voleur, un ancien du conseil qui avait fui après le vol, fut démasqué. Béna fut accueilli en héros, et le collier sacré retrouva sa place.
Ce soir-là, sous l’arbre à palabres, on ne parla que de lui.
Et depuis, une nouvelle parole fut inscrite dans la mémoire du village :
« L’injustice peut faire tomber un homme, mais la vérité le relève toujours. »
Sous l’arbre à palabres, Mon grand père disait.
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