Avez-vous déjà entendu le terme lithopedion ? Imaginez une femme âgée de 70 ans qui porte encore en elle un enfant. Pas vivant. Pas en gestation. Mais un fœtus transformé en pierre, resté dans son ventre pendant 30, parfois même 40 ans.
Jusqu’au jour où, un scanner révèle une vérité médicale bouleversante : elle porte en elle, depuis plus de 30 ans, le fétus calcifié de son enfant mort in utero.
Ce n’est pas un mythe. Ce n’est pas un film d’horreur. C’est une réalité médicale rare mais bien documentée, connue sous le nom de lithopédion.
Le lithopédion, un mot peu connu
Le terme « lithopédion » vient du grec ancien : lithos (pierre) et paidion (petit enfant). Il désigne un fétus mort qui s’est calcifié dans l’abdomen de la mère, souvent après une grossesse extra-utérine non détectée ou une rupture utérine ignorée.
Dans des conditions normales, lorsqu’un fétus meurt, il est expulsé naturellement. Mais dans certains cas, notamment si le fétus est logé hors de l’utérus (généralement dans la cavité abdominale) et atteint une taille trop importante pour être réabsorbé, le corps enclenche un processus de calcification pour éviter l’infection.
Le résultat ? Le fétus est littéralement « momifié » et transformé en une masse calcaire : un enfant de pierre.
Une rareté médicale documentée depuis le 16e siècle
Le premier cas documenté de lithopédion remonte à 1582, en France. Depuis, un peu plus de 300 à 400 cas ont été rapportés dans le monde entier.
Les scientifiques considèrent ce phénomène comme une curiosité médicale extrêmement rare.
Parmi les cas les plus célèbres :
- Zahra Aboutalib, une Marocaine, a porté un fétus calcifié pendant 46 ans. Effrayée par la césarienne, elle avait quitté l’hôpital. Les douleurs se sont apaisées, puis ont disparu. Ce n’est que bien plus tard, lors d’examens pour d’autres douleurs abdominales, que le fétus a été découvert.
- En Inde, une femme de 60 ans a porté un fétus pendant 36 ans.
- Au Nigeria, un cas similaire a également été publié dans les journaux médicaux.
Pourquoi certaines femmes ignorent-elles qu’elles portent un fétus mort ?
La réponse est à la fois sociale, médicale et culturelle.
Dans de nombreuses régions rurales ou défavorisées du monde, l’accès à un suivi de grossesse est très limité. La peur des hôpitaux, le coût des soins, les croyances traditionnelles et la honte autour de certaines grossesses peuvent pousser des femmes à cacher leur état ou à ne jamais consulter.
Des phrases comme : « Je suis enceinte depuis 25 ans mais je n’ai jamais accouché » sont parfois prononcées avec sérieux dans certains contextes africains. Ce qui semble absurde pour les uns peut être une réalité ignorée pour d’autres.
Comment se déroule la calcification ?
Après la mort fœtale, le corps perçoit le fétus comme un corps étranger. Mais au lieu de provoquer une infection massive (ce qui arrive souvent), le système immunitaire enclenche un processus de défense protectrice : l’encapsulation du fétus dans une couche de calcium.
Ce processus peut prendre des mois, voire des années. Mais une fois la calcification stabilisée, le corps peut coexister avec le lithopédion sans symptômes majeurs pendant des décennies.

Ce que vous voyez sur ces images est un cas très rare et impressionnant de lithopédion, aussi appelé « bébé de pierre ». C’est un phénomène médical où un fœtus décédé lors d’une grossesse extra-utérine n’est ni expulsé ni complètement résorbé par le corps de la mère. À la place, il se calcifie progressivement, devenant une sorte de « statue » minérale à l’intérieur du corps.
Quand une grossesse se développe en dehors de l’utérus, le plus souvent dans les trompes de Fallope, mais parfois directement dans l’abdomen, elle ne peut pas arriver à terme normalement. Si le fœtus meurt et que le corps de la mère ne peut ni l’expulser ni le décomposer, il va alors se recouvrir de sels de calcium.
Ce mécanisme naturel permet au corps de se protéger contre une infection ou une inflammation grave. Le fœtus devient alors une masse solide, calcaire, semblable à de la pierre.
Que montre le scanner ?
Les images ci-dessus sont des reconstitutions 3D provenant d’un scanner médical (CT-scan), offrant une vue exceptionnelle de la position du fœtus calcifié dans le bassin de la femme. On y voit clairement les os du bassin de la mère et le fœtus dans une position recroquevillée, complètement minéralisé.
Le fœtus semble bien formé, ce qui suggère qu’il est mort tardivement pendant la grossesse, probablement après plusieurs mois de développement.
- En haut à gauche : Vue de face du bassin montrant l’emplacement du lithopédion.
- En haut à droite : Vue latérale qui détaille la posture du fœtus et sa texture osseuse.
- En bas à gauche : Vue arrière mettant en évidence l’enchevêtrement entre le fœtus et la colonne vertébrale.
- En bas à droite : Autre angle montrant comment le corps s’est adapté à cette masse sans l’expulser.
Faits à noter :
- Le lithopédion est extrêmement rare, avec seulement quelques centaines de cas documentés dans le monde depuis l’Antiquité.
- Dans certains cas, le fœtus reste dans le corps de la femme pendant des décennies, parfois découvert par hasard lors d’un examen médical pour autre chose.
- Cela peut ne provoquer aucun symptôme pendant des années, ce qui rend le diagnostic difficile sans imagerie médicale.
Les risques pour la santé de la mère
Bien que le lithopédion soit parfois asymptomatique pendant longtemps, il n’est pas sans danger :
- Il peut provoquer des douleurs chroniques, des infections internes, des troubles digestifs ou urinaires.
- Il peut être confondu avec une tumeur.
- S’il est découvert tard, la chirurgie d’extraction peut être risquée, surtout pour les femmes âgées.
Enjeux médicaux et sociaux : ce que nous dit le lithopédion
Le cas du lithopédion va bien au-delà de la médecine. Il met en lumière :
- Le manque d’éducation sexuelle et reproductive dans certaines régions.
- La méfiance envers le système médical, souvent héritée d’histoires traumatisantes ou de traditions familiales.
- L’abandon des femmes rurales dans la politique de santé publique.
Il pose aussi une question fondamentale :
Combien de femmes vivent actuellement avec un fétus mort dans le ventre, sans le savoir ?
L’urgence d’informer et de former
L’une des meilleures armes contre ce genre de situations est l’information préventive. Il ne s’agit pas de faire peur, mais de briser le silence autour de sujets encore tabous.
Les campagnes de sensibilisation peuvent inclure :
- L’importance du suivi prénatal régulier
- La reconnaissance des signes anormaux pendant la grossesse
- L’accès aux centres de santé communautaires, même en zones reculées
- L’éducation des maris et familles, qui influencent souvent la décision de consulter
Un sujet éternel
Le cas du lithopédion n’est pas un fait divers oublié. Il est un rappel constant des inégalités de santé et de l’urgence de mettre la science à portée des femmes, quelle que soit leur situation.
Il peut servir de point de départ pour aborder des thèmes comme :
- La mortalité maternelle
- Les violences médicales
- La désertification sanitaire
- La médicalisation des campagnes
Conclusion
Le lithopédion est une anomalie médicale. Mais il est surtout une trace vivante de l’abandon de certaines femmes par le système de santé.
La pierre dans leur ventre est le symbole de tout ce qu’on a laissé durcir en silence : la peur, l’ignorance, la solitude, la douleur.
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