Le 26 mars 2025, le Niger a inscrit dans sa Charte de la refondation une décision à forte portée symbolique : le haoussa devient langue nationale, tandis que le français et l’anglais sont cantonnés au statut de langues de travail. Ce choix, loin d’être anodin, interpelle.
Est-ce un tournant linguistique dans l’histoire du pays, un acte politique, ou une réponse culturelle à des décennies de post-colonialisme linguistique ?
1. Une décision ancrée dans le réel linguistique
Le haoussa, parlé par plus de 55 % de la population nigérienne, est une langue véhiculaire depuis des siècles. Utilisé dans le commerce, la culture, les médias et les interactions quotidiennes, il est déjà la langue du peuple.
Cette décision ne fait donc que reconnaître une réalité : celle d’un pays où le français, bien que langue officielle depuis l’indépendance, reste une langue minoritairement maîtrisée.
2. Le français : d’outil colonial à langue de travail
Ce changement n’élimine pas le français du paysage administratif. Il demeure une langue de travail, comme l’anglais. Mais ce repositionnement marque une rupture symbolique.
En ne faisant plus du français la langue officielle, le Niger rompt avec un héritage colonial, tout en gardant les outils nécessaires pour fonctionner dans le monde globalisé. C’est une dé-hiérarchisation linguistique plutôt qu’une exclusion.
3. Une tendance régionale ?
Le Niger n’est pas un cas isolé. Le Mali, le Burkina Faso et d’autres pays de la région, depuis leur retrait progressif des structures francophones, réévaluent leurs choix linguistiques. La valorisation des langues locales n’est pas seulement identitaire : elle peut être perçue comme une tentative de réancrer le pouvoir dans la réalité du peuple.
4. Et maintenant ? Les défis à venir
Adopter le haoussa comme langue nationale pose aussi des questions pratiques :
- Comment former les enseignants ?
- Quelle place pour les autres langues nationales comme le zarma, le tamajaq ou le kanouri ?
- Comment gérer la coexistence avec l’anglais dans les sphères internationales ?
Il ne suffit pas de déclarer une langue nationale : il faut aussi lui donner les moyens d’exister pleinement dans l’éducation, la justice, les médias.
Un choix politique à haute valeur symbolique
Plus qu’un simple ajustement administratif, ce changement est un message. Le Niger affirme sa souveraineté culturelle et linguistique.
Il choisit de se raconter dans ses propres mots. Ce geste, à la fois audacieux et logique, pourrait bien inspirer d’autres nations africaines à regarder leur identité avec fierté, sans renier la complexité de leur histoire.
D’ailleurs cette prise de position du Niger n’est pas une première, puisse qu’elle survient quelques temps seulement après son départ de l’organisation mondiale de la Francophonie.
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