Sous l’Arbre à Palabres, un vieillard au visage ridé et à la voix profonde, prit une pause avant de commencer son récit. Les villageois se rassemblèrent, leur attention captivée par le vieil homme, qui se préparait à dévoiler une histoire ancienne, une légende que seuls les ancêtres connaissaient. Le vent soufflait doucement, comme pour encourager ses paroles.
« Écoutez, mes enfants, » commença-t-il, ses yeux se perdant dans les branches de l’Arbre Éternel. « Cette histoire, vous l’entendrez souvent. Mais aujourd’hui, c’est moi qui vais vous la raconter, pour que vous compreniez ce que même les vents et les étoiles savent. »
Il marqua une pause, balayant les visages des jeunes autour de lui, puis continua :
L’Arbre Éternel
« Il y a fort longtemps, bien avant que vos parents ne naissent, notre village vivait en harmonie avec la nature, grâce à notre Arbre Éternel, celui que vous voyez là. Cet arbre, il n’est pas comme les autres. Non, il est porteur de la sagesse de nos ancêtres, un gardien des secrets sacrés de notre peuple. Sa présence ici, dans ce village, est un miracle. »
Le vieillard se leva lentement, pointant l’arbre, ses doigts tremblants effleurant les branches.
« Les anciens m’ont souvent dit : ‘Quiconque ose briser la paix de cet arbre en paiera le prix.’ Et moi, petit, j’écoutais sans poser de questions, croyant naïvement que ces paroles n’étaient que des avertissements. Mais un jour, un étranger est arrivé. Il s’appelait Kouadio. »
Les murmures se répandirent dans l’assemblée. Tous savaient qui était Kouadio, un homme orgueilleux venu de loin, sans respect pour nos coutumes. Le vieil homme prit une grande inspiration et poursuivit :
« Kouadio n’était pas comme nous. Il se croyait plus sage, plus puissant que les vieux contes. Il regarda l’Arbre Éternel et se moqua de sa grandeur. ‘Ce n’est qu’un arbre,’ disait-il, ‘pourquoi le craindre ?’ Il venait de loin, de l’autre côté de la rivière, et il n’avait aucune idée de ce qu’il venait de défier. »
Le vieillard se tut un moment, comme pour faire durer le suspense. Les enfants et les adultes, bouche bée, attendaient la suite.
Le Premier Coup De Hache
« Ce jour-là, Kouadio prit sa hache, et d’un coup brutal, il frappa le tronc de notre arbre sacré. À ce moment-là, mes enfants, tout changea. Le vent s’arrêta. Le soleil sembla se cacher derrière les nuages, et l’air devenait plus lourd. Au premier coup, le silence s’installa comme une ombre. Au second, le vent souffla froidement, comme un avertissement. Et au troisième coup, un cri perça l’air, un cri qui semblait venir des profondeurs de la terre. »
Les villageois se rapprochèrent, les yeux fixés sur le vieillard, suspendus à ses lèvres.
« Kouadio lâcha la hache et regarda ses mains. Il sentit une douleur terrible, mes enfants, une douleur qui ne venait pas seulement de ses mains, mais de son âme. Son corps se changea, ses jambes tremblèrent, ses bras se durcirent. Il était en train de devenir… quelque chose d’autre. Ses traits se figèrent, ses yeux devinrent vides, et son esprit, sa fierté… tout cela disparut. »
Le vieillard s’assit lentement, l’air grave.
« Quelques jours plus tard, un arbre poussa à l’endroit où Kouadio avait frappé. Ce n’était pas un arbre ordinaire. Non, mes enfants. Ses feuilles brillaient d’une lumière étrange, et si vous vous approchiez, vous entendiez une voix, faible et lointaine, parler dans une langue ancienne. C’était la voix de Kouadio, prise dans l’arbre, condamnée à répéter ses erreurs pour l’éternité. »
Les jeunes dansaient nerveusement, la peur dans leurs yeux. Le vieillard sourit faiblement, comme s’il voyait leur inquiétude.
Le Gardien de l’histoire
« Aujourd’hui, ce même arbre est ici, toujours, pour nous rappeler que la sagesse de nos ancêtres ne doit jamais être prise à la légère. Le prix que Kouadio a payé pour son arrogance est un avertissement pour chacun de nous.
Ce n’est pas seulement un arbre, mes enfants, c’est un symbole. Un symbole de respect pour la nature, de respect pour les coutumes, et surtout, un respect profond pour ce que l’on ne comprend pas. »
Le vieillard se leva et plaça ses mains sur son cœur sous l’arbre à palabres. « L’Arbre Éternel est le gardien de notre histoire. Si vous cherchez à le défier, sachez que le prix à payer sera plus grand que vous ne pouvez imaginer. »
Le vieil homme s’assit, un silence lourd tombant sur l’assemblée. Personne n’osait bouger, tous absorbés par la puissance de l’histoire. Le vent soufflait à travers les branches de l’arbre, comme pour confirmer la sagesse des anciens.
« N’oubliez jamais ce que vous venez d’entendre, » conclut le vieillard d’une voix douce. « Ce que vous ne comprenez pas aujourd’hui, vous le comprendrez demain. »
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